Nouvelles découvertes archéologiques à Callatis
Callatis était une colonie économique importante, qui avait sa propre production agricole et qui frappait sa propre monnaie. Cette ancienne cité représente un important repère historique et culturel de la province de Dobroudja et du littoral roumain de la mer Noire
Ion Puican, 05.10.2025, 11:00
Callatis est le nom d’une ancienne cité grecque, devenue ville romaine, sur les fondations de laquelle s’est développée l’actuelle ville de Mangalia, sise à environ 50 km de Constanța, au Sud-Est de la Roumanie. Fondée à la fin du VIème siècle av. J.-CH., Callatis était une colonie économique importante, qui avait sa propre production agricole et qui frappait sa propre monnaie. Cette ancienne cité représente un important repère historique et culturel de la province de Dobroudja et du littoral roumain de la mer Noire.
Vestiges antiques exceptionnels à Mangalia
L’été 2025 a mis au jour de nouvelles découvertes archéologiques exceptionnelles, pratiquement uniques en Roumanie, dévoilées grâce aux fouilles systématiques réalisées sur le site de la « Nécropole tumulaire de la ville antique de Callatis ». Datés du début du IIIème siècle av. J.-Ch., ces vestiges composent un trésor inclus au patrimoine national. L’archéologue Maria-Magdalena Ștefan, chargée du secteur Callatis au Musée national d’histoire de Roumanie, explique:
« Quand je suis rentrée chez moi, fin juillet, au bout de six semaines passées sur le chantier archéologique de Mangalia, j’ai envoyé un message ému à mes collègues d’expédition. Je les remerciais de leur collaboration et leur disais que notre expérience commune était unique. … Non seulement nous avions eu l’occasion de déterrer tant d’objets remarquables, d’habitude décrits dans des livres ou admirés dans des musées, mais nous avions effectivement touché l’histoire de nos propres mains. … Nos découvertes nous transportent dans le monde de l’après-mort d’Alexandre le Grand, lorsque ce coin du monde, la Thrace du Nord-Est, où nous nous trouvons actuellement, entrait réellement dans un système de relations politiques et religieuses d’envergure, se connectant à un monde plus large. … Ces découvertes n’ont pas été dues à un pur hasard. Nous, l’équipe, nous nous sommes préparés pendant une quinzaine d’années, pour ainsi dire. Nous avons développé un projet, exploré et formulé des hypothèses et des stratégies. Lorsque nous avons commencé les fouilles sur cette énorme colline, nous savions exactement où nous voulions aller et quel type de monument nous allions investiguer. Evidemment, les surprises n’ont pas manqué, car en effet nous ne nous attendions pas à des découvertes d’une telle ampleur et d’une telle rareté. »
Un site archéologique unique dans la région
Le tertre funéraire, à l’intérieur duquel les archéologues avaient découvert ces artefacts, est le plus grand de la zone sud de la Dobroudja ; avec ses 12 mètres de hauteur et 70 mètres de diamètre, il est visible depuis la mer. Le tumulus contient un caveau en pierre, recouvert d’une voûte hémicylindrique. Parmi les artefacts mis au jour, l’on retrouve différents pots, des bijoux et des ornements en or, verre et bronze, d’une valeur historique et culturelle inestimable. L’archéologue Maria-Magdalena Ștefan, a ajouté d’autres informations concernant les fouilles et les vestiges découverts sur le site de Mangalia:
« Nous avons exploré le tumulus, cet énorme tertre élevé au-dessus d’un caveau en pierre, qui fait partie du territoire de la cité grecque de Callatis, construit il y a environ 2250 d’années par une famille riche. Une tombe familiale ouverte au moins quatre fois et qui avait été pillée à l’Antiquité. Et pourtant, elle nous a livré d’innombrables découvertes importantes, dont beaucoup étaient tout simplement éparpillées sur le plancher du caveau, enveloppées dans une couche de poussière très fine, que nous avons enlevée à l’aide de pinceaux. Au total, plus de 150 objets et un millier de fragments osseux humains ont été ramassés à l’intérieur du caveau. Les objets les plus précieux sont très probablement les trois couronnes funéraires découvertes intactes, qui ont été présentées au Musée national d’histoire de Roumanie quelques jours seulement après les avoir trouvés. »
Vestiges d’un monde hellénistique multiculturel
L’archéologue Maria-Magdalena Ștefan, chargée du secteur Callatis au MNIR, a expliqué la poursuite des fouilles et des recherches scientifiques à Callatis:
« Ce qu’il faudrait garder en mémoire de toutes ces découvertes c’est le multiculturalisme présent sur la rive occidentale de la mer Noire, dans la zone du Bas Danube, dans la Péninsule balkanique au début de l’époque hellénistique. De telles découvertes montrent une vraie interaction humaine et des relations très étroites entre les gens. Ils faisaient probablement partie de la famille, ils se mariaient entre eux et partageaient même des croyances religieuses. Ce ne sont donc pas uniquement des objets particuliers que les aristocrates auraient pu s’offrir les uns aux autres ; il s’agit de choses plus profondes, liées à des rituels et croyances. Nous allons donc continuer les recherches et, pour l’année prochaine, nous nous sommes proposé d’explorer l’entrée du caveau, où nous nous attendons à découvrir des offrandes. Les analyses des objets continueront elles-aussi. Nous voulons réaliser des analyses d’ADN sur les ossements humains, afin de déterminer le sexe et les éventuels liens familiaux des individus enterrés. D’autres analyses nous permettrons de retracer l’origine locale ou non-locale de ces individus, pour comprendre s’il s’agissait d’une mobilité géographique, notamment dans le cas des épouses. »
Ces découvertes ainsi que le monument lui-même – la plus grande tombe hellénistique à caveau de l’ouest de la mer Noire – sont considérés comme ayant un impact majeur sur la compréhension de l’espace culturel et civilisationnel gréco-thraco-macédonien de la région de la mer Noire, avec une valeur et une signification nationales et européennes. (Trad. Ileana Ţăroi)