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Un film documentaire consacré à l’écrivaine Nora Iuga

En
2023, Carla-Maria Teaha a signé le scénario et la réalisation d’une des
meilleures productions roumaines de l’année – le documentaire « De ce mă
cheamă Nora, când cerul meu e senin/Pourquoi je m’appelle Nora, si mon ciel est
toujours clair », le titre jouant sur le rapprochement entre le prénom
féminin Nora et le mot roumain « nor », nuage en français. Ce film,
qui marque le début dans le genre documentaire de la comédienne et journaliste
radio Carla-Maria Teaha, met en lumière Nora Iuga, une des plus importantes
écrivaines roumaines, qui a fêté ses 93 ans le 4 janvier 2024.

Un portrait émouvant

Lancé en 2023 au
Festival international du film et projeté aussi aux festivals Anonimul et Astra,
le documentaire peint un portrait émouvant de cette autrice charismatique, dont
le début littéraire remonte à 1968, lorsqu’elle a publié le volume de poèmes
« Vina nu e a mea/La faute ne m’appartient pas ». Depuis, Nora Iuga a
reçu plusieurs prix de l’Union des écrivains et elle continue à écrire, ayant
publié le roman autobiographique « Hipodrom » (éd. Polirom) en 2020
et le recueil de poèmes « Fetiţa strigă-n pahar/La fillette crie dans le
verre » (éd. Nemira) en 2023. Filmé pendant quatre ans, le documentaire capte
le monde intérieur fascinant de Nora Iuga, sa jeunesse et son exubérance
contagieuse, ainsi que l’amitié très spéciale qui l’attache à la réalisatrice,
celle-ci l’accompagnant à la Foire du livre de Francfort. Carla-Maria Teaha a
expliqué pour RRI la naissance de son film et les incroyables réactions du
public: « Je n’ai
pas pensé à un scénario, surtout pour
notre voyage à Francfort. Dès le début, j’ai voulu avoir un dialogue libre avec
Nora et, à travers ces conversations apparemment sans prétentions, je m’étais
proposé d’obtenir, disons, des confessions de Nora Iuga, car au-delà de ses
nombreuses qualités, elle est aussi une raconteuse fascinante, que la caméra
adore. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai ressenti le besoin d’introduire d’autres personnages pour parler
d’elle. Puisque c’est mon premier film et puisque mon expérience en la matière ne
déborde pas, j’ai beaucoup misé sur l’intuition. J’ai donc pensé qu’il faudrait
montrer la Nora que je vois, moi, et que c’est elle que le film devrait mettre
en lumière, même si c’est raté. Je me suis donc appuyée sur l’alchimie qui
existe entre nous deux et sur les choses qui m’émeuvent. Et c’est fascinant de
voir que les gens raisonnent avec ma version. Il est vrai que, dans un coin
caché au plus profond de mon esprit, j’ai espéré que le charme de Nora Iuga produise
cet effet aussi sur les spectateurs, pas seulement sur moi. Sachant que c’est
un film qui a impliqué énormément de travail, la réaction du public à la fin de
la première projection au TIFF, le 14 juin de l’année dernière, m’a beaucoup
touchée. Les gens sont restés aussi pour la session Q&R. Et d’une certaine
façon cet effet du film sur les spectateurs n’a rien perdu de sa force, car à
la fin de chaque projection, les spectateurs ne quittent pas leurs sièges et
applaudissent, même si ce n’est pas un événement spécial et nous ne participons
pas au débat. Je suis donc heureuse de constater cet effet du film sur les gens.
Bien-sûr, je m’attendais à la présence des fans de Nora, mais je suis tout
aussi heureuse de voir que même ceux, qui ne la connaissaient pas ou qui n’avaient
pas lu ses livres, tombent amoureux d’elle. Ils sont nombreux à m’avoir dit qu’après
avoir vu le documentaire ils ont acheté ses livres ou cherché des interviews et
des informations sur elle. C’est magnifique d’avoir pu rassembler, à travers ce
film, les cinéphiles et les lecteurs. »



Avant de devenir écrivaine, Nora Iuga a rêvé d’une
carrière d’actrice et le documentaire de Carla-Maria Teaha l’a aidée à réaliser
son rêve: « En fait, je voulais être actrice déjà
quand j’étais lycéenne. J’ai voulu faire ça depuis toujours, c’est
probablement quelque chose de génétique, car mes parents ont été des artistes
et mes grands-parents aussi. Ma mère a été danseuse, mon père – violoniste, une
grand-mère chanteuse d’opérette, un grand-père metteur en scène et donc il m’était
impossible de m’imaginer faire autre chose que le métier d’actrice. Le comble c’est
que je n’ai jamais cessé d’en rêver, ni même après avoir essuyé le refus du
grand acteur Radu Beligan de m’accepter à la faculté de théâtre ; il m’a
dit que ma diction n’étais pas à la hauteur. Moi je ne crois pas avoir des
problèmes de diction, personne d’autre ne me l’avait fait remarquer, mais je ne
pouvais pas non plus contester l’opinion de Radu Beligan. Pour revenir au film
de Carla Maria-Teaha, je suis de plus en plus convaincue, avec chaque jour qui
passe, que c’est un miracle, un rêve si ancien est devenu réalité maintenant,
après toute une vie. »



L’écrivain Mircea
Cărtărescu a eu des propos élogieux au sujet du dernier en date recueil de
poèmes de Nora Iuga: « Fetița strigă-n pahar/La fillette crie dans un
verre » est le sommet de la création poétique de Nora Iuga jusqu’à présent
et l’un des plus puissants recueils de vers que j’aie lus dernièrement. Il est
pareil à un shrapnel qui vous fait explosion en plein visage, en projetant
fragments de balles, éclats, morceaux bruts de métal, de mémoire, de matière
grise et de citations, de tout matériau capable d’écrire sur votre peau la
sentence d’une beauté fragmentée et outragée. » (Trad. Ileana Ţăroi)





Categories: Espace Culture
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