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Les petites plaques de plomb de Câmpina-Sinaia

60 petites plaques de plomb découvertes à Câmpina, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale, et stockées dans le sous-sol de l’Institut archéologique de Bucarest ont déclenché une vague d’hystérie parmi les passionnés des cultures anciennes et des mystères. Sur ces plaquettes mesurant 15 centimètres de long et 10 de large figurent, pêle-mêle, des lettres, des symboles et des images, que les mordus d’histoire considèrent remonter à l’époque des Daces, nos ancêtres. Les histoires — l’une plus fantasmagorique que l’autre — tissées autour d’elles, ont eu un certain écho dans l’espace public roumain. Les spécialistes ont précisé, à maintes reprises, que ces petites plaques avaient été créées vers le milieu du 19e siècle ; pourtant, le public, séduit par les fantaisies des passionnés, ne leur a pas accordé trop Un de ces amateurs d’histoire affirmait que c’était l’écriture des Daces qui se retrouve sur ces plaques.Radu Băjenaru, chercheur à l’Institut archéologique « Vasile Pârvan » de Bucarest, nous présente les arguments des spécialistes, qui contestent l’authenticité des plaques. « Il y a deux hypothèses concernant ces plaques. La première est celle des archéologues et des spécialistes en histoire ancienne, des professionnels, qui nient leur valeur historique et le fait qu’elles auraient été créées il y a 2000 ans, à l’époque des Daces. La deuxième hypothèse est celles des enthousiastes, des passionnés d’histoire ancienne et de mythes, qui, à partir de ces plaques, essaient de reconstruire la société dace d’il y a deux millénaires. Dans les deux cas il y a des arguments pour et contre. Pourtant, à mon avis, les arguments favorisant l’idée qu’elles datent du 19e siècle sont beaucoup plus consistants. Premièrement, l’analyse du métal dont elles sont fabriquées prouve qu’il s’agit d’un type de plomb couramment utilisé dans les imprimeries du 19e siècle. Deuxièmement, tout ce qui est gravé sur ces plaques, toute l’iconographie et les signes qui y figurent parlent de choses connues au 19e siècle. Elles ne nous apprennent rien sur l’histoire des Daces par rapport à ce que l’on savait déjà il y a 150 ans. On n’apprend rien, au moins, de ce que l’on a découvert par la suite à ce sujet. Troisièmement, les grands historiens spécialistes de l’antiquité roumaine connaissaient l’existence de ces plaques — et je parle notamment de Vasile Pârvan, dont personne ne peut contester l’autorité scientifique, ni l’acribie. Or, au moment où Pârvan a écrit son œuvre, il n’a accordé aucune attention à ces plaques, car il connaissait leur histoire et leur provenance. »

Les petites plaques de plomb de Câmpina-Sinaia
Les petites plaques de plomb de Câmpina-Sinaia

, 27.01.2014, 12:49



Quelle est alors l’origine de ces plaques et qu’est-ce qu’elles représentent, en fait ? Radu Băjenaru. « Ceux qui contestent leur valeur historique les désignent par le terme impropre de « faux ». Un faux est la copie d’un document authentique. Or, là, il n’y a pas de document authentique. Ces plaques ont été créées au 19e siècle, dans la zone de Câmpina-Sinaia, très probablement par Bogdan Petriceicu Haşdeu, encyclopédiste et écrivain qui possédait une vaste culture. Or, il avait, lui, la capacité intellectuelle et financière de créer une chose pareille. Pour moi, il est évident que Haşdeu y présente sa propre vision de l’histoire des Daces. C’est pourquoi il est difficile de considérer ces plaques lorsqu’on parle histoire. Et même si on les prenait en compte, on n’apprendrait rien de plus, elles ne nous sont d’aucune utilité. La seule chose qui aurait pu nous aider est cette écriture, dite « dace », qui est un amalgame de lettres grecques, cyrilliques, latines et orientales. Certes, pour un linguiste aussi érudit que Haşdeu, il était très facile de combiner ces caractères pour en tirer un texte. On a essayé de les déchiffrer — et, à ce que j’ai compris, on a même réussi, ce qui me paraît absurde. Ces caractères-là ne peuvent pas constituer une langue dans le vrai sens du mot. Ce serait là la seule nouveauté que ces plaquettes pourraient nous offrir : l’information dont elles sont porteuses, si l’on déchiffrait ces textes. Et même si l’on déchiffrait cette « écriture » — avec les guillemets qui s’imposent — ou même si l’on comprenait ce que Haşdeu a voulu exprimer à l’aide de ces plaques, cela ne nous aiderait pas beaucoup, vu que ces connaissances s’arrêtent au 19e siècle. »



Pourquoi Haşdeu aurait-il voulu créer de telles plaques et comment devrions-nous nous y rapporter ? Radu Băjenaru. « Haşdeu n’a sans doute pas voulu induire en erreur qui que ce soit. En fait, il est l’homme de son temps ; il n’a voulu ni falsifier, ni faire une mauvaise chose, peut-être a-t-il eu l’intention de faire une bonne chose. On doit le considérer comme un esprit éclairé, qui connaissait beaucoup de choses et qui souhaitait apprendre davantage et transmettre davantage. Or, ces plaques ont été pour lui une manière de s’exprimer. Ce genre de choses était en vogue à l’époque. Il n’y a rien de mal à cela. Le mal, c’est de mal les interpréter ou utiliser, en les déplaçant 2000 ans en arrière. Si on les prenait pour ce qu’elles sont — soit les créations d’un lettré — ce serait extraordinaire. Ce qui est grave, c’est de les utiliser comme arguments pour justifier une histoire que nous ne connaissons pas et qui, de toute façon est la même — c’est-à-dire celle que nous racontent les plaques et celle que nous racontent les sources antiques, car ce que disent les plaques est fondé sur les sources antiques. Il n’y a pas de divergence à cet effet. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi souhaiter que ces plaquettes soient authentiques. Dans l’Antiquité, il n’y avait pas de genre d’inscriptions ; dans toute l’Antiquité on ne retrouve nulle part rien de pareil. Alors pourquoi en existerait-il chez nous ? »



En plein 19e siècle — période dite de « faux nationaux » l’esprit romantique dominait la culture roumaine. A part ces plaques, on attribue également à Haşdeu la paternité de deux autres créations similaires : « Le diplôme de Bârlad de 1134» et « Le document de Iurg Koriatovitch de 1347 ». Pourtant, de nos jours, on écrit l’histoire autrement qu’on ne le faisait il y a un siècle et demi. (Trad.: Dominique)

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