"Tout le monde – depuis le citoyen lambda à l’élite politique - doit comprendre que les leviers classiques de la croissance, à savoir assouplissements fiscaux et monétaires, ne fonctionnent plus; il faut trouver d'autres ressorts", affirment les experts
En 2016, l’économie roumaine devrait croître de 4,2%, affirme la ministre roumaine des Finances, Anca Dragu, rejoignant ainsi les prévisions de la Commission européenne. Cette tendance, selon la responsable roumaine, devrait se confirmer et même s’accentuer dans les années à venir, atteignant une moyenne de 4,5% dans la période 2017-2019. Et ce malgré les estimations des institutions financières internationales qui avaient révisé à la baisse leur évaluation du rythme de croissance de la Roumanie pour les prochaines années.
C’est tout à fait naturel, précise Anca Dragu, puisque « les prévisions des institutions internationales envisageant des horizons si éloignés sont, d’habitude, plus pessimistes. Leurs estimations portant sur l’année suivante comportent nombre d’inconnues. En revanche, la Commission nationale des prévisions, à Bucarest, dispose d’éléments supplémentaires puisqu’elle connaît toutes les spécificités de l’économie roumaine. Alors, c’est tout à fait normal d’avoir des différences entre les différentes estimations, extérieures et intérieures, mais je pense que cet écart se réduira au fil des mois », explique la ministre Anca Dragu.
Elle s’exprimait alors que la Banque mondiale a sensiblement réduit ses estimations visant l’évolution de l’économie roumaine pour les deux prochaines années. Selon elle, le PIB du pays devrait croître de 3,7% et respectivement de 3,4%, nettement moins que les 4% envisagés en janvier dernier. La Commission européenne aussi avait anticipé un ralentissement de la croissance jusqu’à 3,7% en 2017, tandis que le FMI table sur un 3,6%, en net recul par rapport à 2016.
L’analyste économique Aurelian Dochia explique : « Il y a de très bonnes nouvelles pour l’économie roumaine, parce que le rythme de croissance reste soutenu, un des plus élevés en Europe. La Commission européenne met, néanmoins, en garde contre une hausse du déficit budgétaire qui, cette année, sera multiplié par deux, atteignant les 2,8%, pour arriver à 3,4% en 2017, selon l’exécutif communautaire. Il y a là un désaccord profond avec les prévisions roumaines, puisque le ministère des Finances ainsi que la Commission des prévisions affirment que le pays peut tirer le déficit en dessous de la barre de 3%, en 2017 aussi. Les chiffres de l’inflation sont tout aussi importants que ceux du déficit. Et ce, principalement parce que, suite à la baisse du prix du pétrole au niveau mondial, les tarifs de l’énergie ont entraîné la baisse de l’indice d’inflation non seulement en Europe, mais aussi en Roumanie. Pendant la première partie de cette année, l’inflation restera en territoire négatif, mais elle augmentera dans la seconde moitié de l’année pour passer en territoire positif. Si bien qu’en 2017, au niveau européen, l’inflation approchera les 2%. Mais il est évident que 70% de l’évolution de l’inflation est due à ces évolutions sur le plan énergétique et nous avons constaté, ces derniers temps, une volatilité assez importante des prix des produits énergétiques sur les marchés internationaux. C’est ici que l’on peut s’attendre à des surprises ».
Par ailleurs, la Commission Européenne a exprimé ses réserves quant à la récente Loi des crédits immobiliers qui permet aux Roumains de céder leur logement à la banque s’ils ne peuvent plus rembourser les prêts. Une loi valable pour les crédits inférieurs à 250.000 euros. L’analyste Aurelian Dochia précise: «Effectivement, cette loi compte parmi les risques qui pourraient déstabiliser la Roumanie et les marchés financiers, selon la Commission européenne, qui s’est déjà exprimé là-dessus. A part cette loi des crédits immobiliers, elle mentionne aussi d’autres risques pour la Roumanie, dont le fait que 2016 est une année électorale. Il est donc possible que des dérapages apparaissent cette année en matière de politiques fiscales. Nous en sommes conscients et nous devons voir dans quelle mesure ces risques vont se matérialiser. »
Au premier trimestre de cette année, le PIB de la Roumanie a augmenté de 4,3% par rapport à la même période de l’année dernière, et de 1,6% comparé au dernier trimestre de 2015. Pour Valentin Lazea, économiste en chef de la Banque centrale de Bucarest, la croissance de la Roumanie ne peut plus s’appuyer sur des réductions de taxes ou sur un assouplissement de sa politique monétaire : « Pour ce qui est de la croissance économique, dorénavant, les leviers classiques, par des assouplissements fiscaux et monétaires, ont été épuisés. Dans notre société, tout le monde – depuis le citoyen lambda à l’élite politique – doit comprendre qu’il n’y a plus de place pour de telles mesures. Et c’est justement pour ça qu’il est nécessaire de trouver les autres ressorts, les vrais, pour réaliser une croissance économique à long et moyen terme. Ce sont des ressorts liés aux facteurs sur lesquels s’assoie le PIB potentiel : le facteur capital, le facteur main d’œuvre, le facteur productivité. »
De l’avis de Valentin Lazea, il faut non seulement définir ce que l’on doit faire pour soutenir le développement, mais aussi décider qui doit s’en occuper : l’Etat ou le secteur privé. L’économiste en chef de la Banque nationale considère qu’un changement de mentalité et une collaboration public-privé sont nécessaires ; l’Etat assumerait un rôle dans la définition des principes du développement, tandis que le secteur privé utiliserait son savoir-faire pour dérouler et finaliser les grands projets dans différents secteurs-clé. (trad. : Valentina Beleavski, Ileana Taroi, Andrei Popov)
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