Une des grandes figures réformatrices de la Transylvanie du XVIIIe siècle a été sans l'ombre d'un doute le baron Samuel von Brukenthal. Il faut savoir que le baron a aussi été un grand amoureux et protecteur éclairé des arts et collectionneur averti.
Une des grandes figures réformatrices de la Transylvanie du XVIIIe siècle a été sans l'ombre d'un doute le baron Samuel von Brukenthal. Si son œuvre juridique, politique et législative est bien connue, il faut savoir que le baron a aussi été un grand amoureux et protecteur éclairé des arts et collectionneur averti. Le musée de Sibiu, qui porte son nom et abrite une partie de ses collections, témoigne encore aujourd'hui de cette passion.
Saxon de Transylvanie, né en 1721, Samuel von Brukenthal perd ses parents lorsqu'il n'a que 15 ans. Il va consacrer la plus grande partie de son leg à financer ses études. La Transylvanie était alors une province de l'empire des Habsbourg, et cela depuis la fin du XVIIe siècle, après s'être affranchie de la domination ottomane.
L'historien Thomas Șindilariu nous replonge dans la jeunesse du baron et dans l'atmosphère de cette paisible contrée de l'Empire qu'était la Transylvanie du début du XVIII siècle : « À la naissance du baron Samuel von Brukenthal, la Transylvanie n'était revenue dans le giron occidental que depuis trente ans. C'était en 1691 que la Transylvanie avait intégré l'empire des Habsbourg, qui englobait à l'époque les provinces situées à la frontière ouest de la Transylvanie, soit le Banat et le Partium, ensuite les territoires qui composent aujourd'hui l'Autriche, la Hongrie, la Slovénie, la Slovaquie, la République Tchèque, ainsi que des pans des territoires de la Serbie, de l'Italie du Nord, du sud de l'Allemagne, et jusqu'à Bruxelles et une partie de la Belgique d'aujourd'hui. Le baron avait donc grandi et sa carrière s'était épanouie dans cette mini Europe qu'était l'empire des Habsbourg à cette époque-là, une période de paix durable. »
Le baron von Brukenthal n'était pas aristocrate de naissance. Il avait 3 ans, lorsqu'en 1724, son père accéda au baronnât. C'était la première marche de la hiérarchie aristocrate. Certes, les titres et le statut social avaient leur importance, et pas des moindres, à l'époque, et le jeune Samuel en bénéficiera.
Il partira étudier à Vienne, dans la capitale de l'Empire, et c'est là qu'il sera coopté dans la Franc-maçonnerie, raconte Thomas Șindilariu : « En 1743, avant de commencer ses études à Halle, le jeune baron rejoint la loge Aux Trois Canons, nouvellement créée. Un peu par hasard, von Brukenthal rejoint cette société secrète, vouée à répandre l'esprit des Lumières et l'idéal humaniste, et grâce à laquelle il a l'occasion de côtoyer tout ce que l'Empire comptait en élites intellectuelles progressistes. A Halle, il devient un franc-maçon convaincu et actif, et c'est là qu'il fonde, en 1743, une loge d'étudiants, intitulée « Aux Trois Clés d'Or », qu'il va diriger et qu'il va affilier à la loge berlinoise « Aux Trois Globes », fréquentée par l'entourage du roi de Prusse, Frédéric le Grand. »
C'est sans doute grâce à ses qualités personnelles, mais peut-être aussi grâce aux réseaux francs-maçons, que le baron Samuel von Brukenthal commence à gravir les échelons de l'administration impériale. Il arrive bientôt à diriger la chancellerie impériale de Transylvanie, siégeant à Vienne, où il se fera remarquer par l'impératrice Marie-Thérèse.
Mais c'est là, dans les cercles impériaux, qu'il rencontrera également une opposition farouche à ses desseins modernisateurs pour la Transylvanie, affirme l'historien Thomas Șindilariu : « Il savait étayer ses thèses par des arguments solides. Et l'impératrice Marie-Thérèse avait alors pris son parti et décidé d'appuyer ses réformes, allant parfois à l'encontre de son entourage et de l'establishment de l'empire, pour donner gain de cause au baron transylvain. C'est ainsi que ce dernier était parvenu à enclencher des réformes tout bonnement révolutionnaires pour son époque, dont la plus significative avait été la réforme fiscale, qui touchait aux intérêts de la noblesse et des grands propriétaires terriens. En procédant de la sorte, von Brukenthal a sans doute gagné des inimitiés solides et tenaces. Toutefois, dès 1770, alors que sa réforme fiscale n'était que partiellement mise en application, le budget de l'Etat était parvenu à recueillir 1.350.000 florins d'or, une somme colossale pour l'époque. Voyez-vous, une maison à Sibiu valait 2.000 florins. Le budget public avait d'un coup augmenté de l'équivalent de 675 maisons, soit l'équivalent d'une petite ville. »
Samuel von Brukenthal sera ensuite nommé gouverneur de la Transylvanie, où il allait faire valoir ses qualités d'administrateur hors pair. Et c'est en tant que gouverneur qu'il allait se confronter à la question la plus épineuse, la question agraire, ajoute Thomas Șindilariu : « A partir de 1774, le baron von Brukenthal dirige le gouvernement de Transylvanie, la plus haute instance civile de la province. Entre 1776 et 1787, il sera gouverneur. Avec sa persévérance habituelle, il parvient à appliquer sa réforme administrative dans la province. Le personnage incarne véritablement les principes des Lumières. Il se soucie aussi de la question paysanne, car l'état des paysans était particulièrement préoccupant dans toutes les provinces de l'Empire. Il essaye de trouver notamment une solution acceptable à la question du fardeau que représentaient les dettes contractées par les paysans auprès des propriétaires terriens. Son dessein était d'améliorer la condition paysanne, d'en faire des contribuables. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre sa démarche d'étendre la frontière militaire de l'Empire à ses provinces du sud-est, ce qu'il parviendra à achever entre 1762 et 1766. La condition paysanne à l'intérieur de la frontière militaire se trouvait améliorée, car le servage y était déjà aboli. »
En 1803, le baron Samuel von Brukenthal s'éteindra à Sibiu, à 81 ans. Il laissera derrière lui une Transylvanie modernisée et un patrimoine culturel impressionnant, acquis durant toute une vie. Ses collections seront cédées à une fondation qui appartenait au collège évangélique de Sibiu, pour entrer finalement dans le patrimoine national public, à l'époque communiste. (Trad. Ionuţ Jugureanu)
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