Au début du 19e siècle, la culture roumaine commençait à s’occidentaliser et de nombreux plasticiens de Roumanie sont allés en France pour se perfectionner.
Ils cherchaient aussi à obtenir une reconnaissance artistique, ce mouvement ayant continué jusqu'au début du 20-e siècle. 350 d'entre eux, actifs durant la période comprise entre 1834 et 1939, ont été présentés par l'historien de l'art Gabriel Badea-Păun dans son livre «Les Peintres roumains et la France (1834 - 1939) », récemment publié à Paris. Ion Negulici a été le premier peintre roumain à se rendre dans la capitale française pour y étudier à l'Ecole des Beaux-Arts. Beaucoup d'autres allaient le suivre, jusqu'au début de la Deuxième Guerre mondiale. Lorsque la conflagration a éclaté, certains sont revenus en Roumanie, d'autres ont continué leur parcours dans d'autres pays. Plusieurs artistes phares figuraient dans la première vague de peintres roumains qui se sont rendus à Paris entre la seconde moitié du 19e siècle et l'année 1914. Gabriel Badea-Păun : « Il s'agit de Theodor Aman, fondateur de l'Ecole des Beaux-Arts de Bucarest, qui a pris pour modèle la structure et le règlement de l'école parisienne, où il avait étudié dans les années 1850. Il s'agit ensuite de Nicolae Grigorescu. Je lui ai dédié tout un chapitre, car il est le chaînon qui fait la liaison entre les débuts hésitants de l'art à l'époque de Theodor Aman et la génération des années 1890 qui allait lui suivre. Cette génération allait être très nombreuse, car les peintres ont bénéficié d'un système de bourses mis sur pied par Aman. De plus en plus d'artistes roumains se dirigent vers Paris ; pourtant, ils passent le plus souvent aussi par l'Académie royale de Munich. Ils sont surtout des représentants du symbolisme et certains d'entre eux sont restés même dix ans à Munich, avant d'aller à Paris exposer leurs œuvres et y mener une activité artistique intense. »
Si Aman et Grigorescu sont des peintres très connus, d'autres l'étaient moins. En fouillant les archives françaises, Gabriel Badea-Păun a découvert d'autres noms d'artistes, tombés depuis dans l'oubli. «Il y a, par exemple, Mihail Simonidi, une de mes « découvertes », pour ainsi dire, car il est complètement oublié en Roumanie. Simonidi est le peintre qui a décoré le hall de la Caisse d'épargne de Bucarest. Il est arrivé à Paris dans les années 1890 et y a fait une importante carrière artistique. Autour de 1900, année de l'Exposition universelle, il était considéré comme le grand espoir de la peinture roumaine. Après la Deuxième Guerre mondiale, il s'est établi définitivement en France, étant complètement oublié en Roumanie. Nicolae Gropeanu fut un autre peintre de la même génération, lui aussi formé dans l'atelier de Theodor Aman, et qui est très peu connu en Roumanie. Il a compté parmi les membres fondateurs du Salon d'automne de Paris, créé en 1903. Ces deux peintres-là, je me suis efforcé de les faire connaître en Roumanie, car l'Etat français leur a acheté des œuvres. Malheureusement, celles-ci ne sont pas exposées, elles sont stockées dans les entrepôts du Centre Pompidou et du Musée d'Orsay. »
Après 1918 et pendant tout l'entre-deux-guerres, le nombre des artistes roumains désireux de se perfectionner et d'acquérir une renommée à Paris est monté en flèche. Si entre 1834 et 1914, une centaine de peintres roumains s'étaient rendus à Paris, plus de deux cents y sont allés pendant l'entre-deux-guerres, la plupart demeurant inconnus. Certains d'entre eux sont pourtant devenus des repères de l'art roumain, comme Theodor Pallady, par exemple. Quelle était la principale raison qui poussait ces peintres à prendre la route de la capitale française ? « Quand ils y allaient, ils étaient déjà formés, autrement ils n'auraient pas été acceptés à l'Ecole des Beaux-Arts ou dans les ateliers ou encore dans les autres académies créées après 1890. Ils venaient se perfectionner et participer aux expositions parisiennes. Ils s'y faisaient remarquer et, à leur retour en Roumanie, ils bénéficiaient d'un autre statut et d'un plus grand prestige. Pourtant, très peu de ces 350 artistes ont fait des carrières extraordinaires. Nombre d'entre eux ont fini par devenir professeurs de dessin dans les lycées de Bucarest ou d'ailleurs. D'autres peintres roumains ont organisé une ou deux expositions en Roumanie et, avec l'argent qu'ils ont gagné en y vendant leurs œuvres, sont venus à Paris se perfectionner. Certains ont réussi à s'intégrer, ils ont peint des chapelles ou ont collaboré avec leurs collègues français à la décoration de certains édifices publics. A commencer par 1900, ils se sont même regroupés, menant une vie pleine de vitalité et d'effervescence. », explique Gabriel Badea-Păun.
Bien que Paris fût le principal point d'attraction pour les peintres roumains, au fil du temps, ils ont commencé à choisir aussi d'autres lieux de création, notamment en été. Nicolae Grigorescu donne une fois de plus le ton, en choisissant de travailler un certain temps à Barbizon, pour partir ensuite en Bretagne, raconte Gabriel Badea-Păun : « Il est allé en Bretagne vers la fin des années 1870 et y a habité entre 1882 et 1887. D'autres sont allés en Normandie. Ce fut le cas de Samuel Mützner, qui a choisi Giverny, le village de Claude Monet, et il en a rapporté plusieurs tableaux. Entre 1890-1900, de nombreux peintres se sont rendus en Bretagne, impressionnés par les paysages et la lumière changeante de la région. Parmi eux - Ștefan Popescu, qui a été l'un des élèves les plus assidus de Lucien Simon en Bretagne. »
L'histoire captivante des peintres roumains qui sont allés en France se poursuit par l'aventure parisienne de certains artistes d'avant-garde reconnus en France, comme Marcel Iancu et Victor Brauner, ainsi que d'autres noms à découvrir dans les pages du livre « Les Peintres roumains et la France ». (Trad. : Dominique)
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