Les locuteurs de yiddish ont presque disparu du territoire de la Roumanie actuelle, conséquence des vagues massives d’émigration, déclenchées surtout à compter de 1950, lorsque la région est tombée sous occupation soviétique.
La langue et la culture yiddish couvrent une région vaste qui s'étend dans toute l'Europe centrale et de l'Est, depuis la mer Baltique et jusqu'au Danube, ce grand fleuve européen étant considéré comme étant la frontière sud de l'influence de la culture yiddish. Le yiddish constitue la langue et la culture des Juifs d'Europe centrale et de l'Est, des Juifs originaires de l'ancien empire des Habsbourg et de l'ancienne Russie des tsars, depuis les pays baltes et jusqu'aux pays roumains. Aujourd'hui, les locuteurs de yiddish ont presque disparu du territoire de la Roumanie actuelle, conséquence des vagues massives d'émigration, déclenchées surtout à compter de 1950, lorsque la région est tombée sous occupation soviétique. Selon le recensement de 1930, la Roumanie comptait pas moins de 800 mille Juifs, et dont la moitié utilisait couramment le yiddish.
L'étude de la langue yiddish a débuté vers la fin du 18-e siècle, effort des élites juives qui vivaient dans l'espace allemand. Comme on pouvait s'y attendre, le yiddish était le résultat d'influences multiples, pratiquement au carrefour de toutes les cultures européennes où les Juifs s'étaient installés. Culture à la fois nationale et transnationale, spécifique au peuple juif, mais s'inspirant des cultures voisines. La liste de ceux qui ont œuvré pour l'avènement de la culture yiddish en Roumanie est impressionnante. Rappelons juste le nom de l'écrivain Cholem Aleikhem ou celui du poète et du romancier Itzak Mangher, dont la date de naissance, le 30 mai, marque l'anniversaire de la Journée internationale de la culture et de la langue yiddish. Camelia Crăciun, professeure de l'Université de Bucarest, spécialisée dans l'étude de la culture juive, nous parle du monde fascinant de la langue et de la culture yiddish: « Le yiddish est tout d'abord la langue de la communauté ashkénaze, c'est-à-dire de la communauté juive d'Europe de l'Est. Une langue qui a été parlée pendant près d'un millénaire dans tout l'espace de l'Europe de l'Est, depuis la mer Baltique et jusqu'au Danube. Au sud du Danube on rencontrait la culture ladino, celle des Juifs séfarades. Les Juifs de Roumanie ont utilisé le yiddish jusqu'au vingtième siècle, cette langue apparentée à l'allemand, mais une langue distincte, qui utilisait les caractères hébreux, et dont la composante germanique est très marquée. Mais elle souffre aussi des influences concurrentes : du polonais, du russe, de l'ukrainien et, bien évidemment, de l'araméen et de l'hébreu de la Bible. Il s'agit d'une langue très vivante, très mobile, qui adapte et intègre, d'où une langue d'une diversité étonnante. »
Le yiddish a donné naissance en Roumanie à une culture très vivante. Il y avait des écoles où l'enseignement était donné en yiddish, il y avait du théâtre en yiddish, de la presse, des manifestes politiques, ce qui donne toute la dimension de cette langue, précise Camelia Crăciun : « L'une des directions de prédilection de mes recherches, c'est l'histoire du théâtre en langue yiddish, une culture théâtrale qui trouve ses origines dans l'espace roumain. En 1876, c'est de la ville de Iasi, en Moldavie, qu'est parti ce phénomène culturel qui n'a pas tardé à traverser l'océan pour se retrouver aux Etats-Unis. Abraham Goldfaden, Juif s'origine russe, arrivé à Iasi juste avant la guerre de l'indépendance roumaine contre les Ottomans, en est le fondateur. Ensuite, il y a eu aussi Itzak Mangher, avec son célèbre roman « Le livre de l'Elysée », destiné, mais juste en apparence, aux enfants, et dont l'écriture en clé ludique en faisait un roman universel. N'oublions pas non plus le fabuliste Eliezer Steinberg, le poète Jacob Groper, le metteur en scène Jacob Sternberg, cheville ouvrière du théâtre yiddish mais aussi du théâtre roumain naissant. Il n'y a pas trop de femmes en revanche. Nina Cassian, la grande poète des années 50-70, a traduit du yiddish en roumain, mais ses créations à elle sont en langue roumaine. »
La presse a eu un rôle de courroie de transmission et de caisse de résonance de la culture en langue yiddish, lui permettant de toucher son public, aussi bien à l'intérieur des frontières du pays qu'à l'étranger, raconte encore Camelia Crăciun : « Peu de chercheurs se sont penchés sur la presse en yiddish, alors que cette presse s'adressait à un public énorme, surtout fin 19e, début 20e. Dans la ville de Iasi, où la moitié de la population était d'origine juive, et dont la grande majorité parlait le yiddish, l'on a vu apparaître un véritable centre de la presse en langue yiddish. Les premières publications paraissent dans les années 1850. Une presse très dynamique, avec de nouveaux titres qui paraissent, mais ne durent pas longtemps, reflétant en cela les réalités sociales, politiques et culturelles du moment. Entre les deux guerres mondiales et, surtout, après la Shoah, la presse en langue yiddish perdait de sa superbe. Pourtant, dans les années 50, la Radio roumaine avait des émissions en langue yiddish, et jusqu'à récemment des publications en yiddish pouvaient être trouvées dans les kiosques à journaux, telle la revue « La réalité juive », éditée par la Fédération de la communauté juive de Roumanie, qui se faisait un titre de gloire de maintenir une page en langue yiddish. »
A l'heure actuelle pourtant, la culture et la langue yiddish sont, toutes les deux, en voie d'extinction. Son héritage culturel riche, la vitalité de la langue yiddish demeurent néanmoins une source réelle d'inspiration. (Trad.: Ionuţ Jugureanu)
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