Un rituel traditionnel marquant le début d'un nouveau cycle annuel
Jadis, dans la campagne roumaine, dans la période comprise entre Pâques, l’Ascension et la Pentecôte, les pratiques agraires marquaient le début d’un nouveau cycle annuel. Le principal intérêt des communautés rurales était d’obtenir des récoltes aussi riches que possible. Et elles n’hésitaient pas à faire appel aux rituels. Par exemple, dans le sud et le sud-est de la Roumanie, dans des régions vouées à la sécheresse telles l’Olténie, la Munténie ou encore la Dobroudja, la pluie était invoquée par le biais d’un personnage appelé Caloian, une tradition qui existe encore de nos jours. Pour plus de détails, nous invitons au micro Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare:
« Tous les mardis et les jeudis entre Pâques et la Pentecôte sont marqués par des rituels, strictement observés afin d’avoir des récoltes riches. La fête de Saint Georges (célébrée le 23 avril) marque le début de l’année agraire et pastorale. Par conséquent, toutes les fêtes qui s’enchaînent après sont des célébrations de la richesse de l’année, tant pour les cultures que pour l’élevage des animaux. Le 3e mardi après Pâques est le jour d’un rituel très ancien, aux origines daciques : le Caloian. C’est un rituel d’invocation de la pluie fondé sur un rite solaire de l’antiquité. Cette fête est marquée notamment à l’extérieur de l’arc des Carpates roumaines, elle n’a pas d’attestation documentaire exacte à l’intérieur de l’arc. Qu’est-ce que le Caloian ?
C’est un rituel par lequel, le matin du 3e mardi d’après Pâques, les jeunes filles confectionnent une poupée en terre glaise. Une fois la poupée terminée et séchée au soleil, le mardi suivant, les jeunes filles et les vieilles femmes du village forment un cortège et portent cette poupée appelée le Caloian près d’une rivière, où elles l’enterrent. Elles la pleurent comme si c’était une vraie personne. Leur geste symbolise « l’enterrement du père du soleil », dans l’espoir que le soleil arrêtera de briller pour quelques instants et laissera la place à la « mère de la pluie ». Le jeudi qui suit ce mardi symbolique, la poupée est retirée de terre et cassée en plusieurs morceaux que l’on jette par la suite dans la rivière. »
Souvent, cette poupée anthropomorphe en terre glaise est décorée des coquilles d’œufs rouges peints à Pâques. Des fois, on lui confectionne même un cercueil en bois en miniature, porté à la rivière par le cortège des femmes. Evidemment, le rituel du Caloian varie d’une région du pays à l’autre. Par endroits, la poupée est enterrée au croisement des routes importantes du village ou bien aux confins du village, justement pour faire référence directe à la frontière entre le monde réel et celui de l’au-delà.
D’ailleurs, l’enterrement du Caloian respecte toutes les normes d’un enterrement réel, étant suivi par un repas charitable. Les jeunes filles se réunissent dans une maison, où elles apportent de la nourriture et organisent une sorte de veillée.
Il faut dire aussi que parmi tous les rituels de passage, l’enterrement est, sans doute, le plus complexe. Il se fonde sur la conception religieuse de la communauté qui le pratique, mais aussi sur la vision de cette dernière sur la vie et sur la mort. La culture traditionnelle roumaine part de l’idée que l’homme ne meurt pas, il passe dans une autre dimension. Il en va de même pour la notion de temps. Par conséquent, par le biais de l’enterrement symbolique du Caloian, le temps est renouvelé.
Avant de terminer, précisons que la signification profonde de ce rituel n’appartient pas exclusivement à l’espace roumain. Ses racines sont à retrouver dans un rituel romain d’invocation du dieu Jupiter en tant que maître de la pluie, mais chaque communauté le décline à sa manière, selon ses spécificités culturelles. (Trad. Valentina Beleavski)
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