L'état précaire de l'infrastructure culturelle dans les petites villes est bien connu : peu de bibliothèques publiques, salles de cinéma fermées, centres culturels non-fonctionnels ou utilisés à d'autres fins.
Parlons culture et jeunesse. On le sait très bien, la culture est un instrument qui met en lumière les valeurs d'une société. Plus encore, les espaces destinés à la culture servent aussi à véhiculer des principes et des attitudes sociales et politiques. En partant de ce concept, l'étude intitulée « La consommation culturelle dans les rangs des jeunes des petites et moyennes villes », réalisée à l'aide de la Fondation Friedrich Ebert de Roumanie, a voulu savoir en quelle mesure les activités culturelles des petites zones urbaines se croisent avec par exemple avec les perspectives féministes ou bien si les jeunes associent les événements culturels à certaines valeurs sociales. Une autre idée de laquelle part cette enquête est l'état précaire de l'infrastructure culturelle dans les petites villes : peu de bibliothèques publiques, salles de cinéma fermées, centres culturels non-fonctionnels ou utilisés à d'autres fins.
225 jeunes âgés de 13 à 20 ans ont participé à cette étude, dont 75 % étaient de jeunes filles. Ce n'était pas l'intention des initiateurs d'avoir une majorité de voix féminines, mais tout simplement, davantage de filles ont accepté de remplir les formulaires et de participer aux interviews, explique Carmen Voinea, la coordinatrice de cette recherche. A son avis, les personnes interrogées ont fait une connexion claire entre la consommation culturelle d'un certain type et les questions liées aux genres.
Carmen Voinea : « J'ai constaté dans leurs réponses que, lorsqu'il est question de consommation culturelle, des aspects plus larges surgissent, tels ceux liés à l'égalité de genre ou à l'insertion sociale. Parmi les besoins énumérés figuraient, par exemple, l'existence d'espaces culturels où différentes personnes, y compris celles de la communauté LGBT, se sentent en sécurité. Dans les interviews et les questionnaires, ils ont également mentionné le besoin de résoudre les problèmes de leur communauté par le biais de la culture. Plus encore, de nombreux jeunes ont avoué avoir commencé à se familiariser à la thématique féministe et de genre à l'aide des films. Puis, nous avons voulu connaître aussi leur attitude personnelle envers ces espaces. Même si sur papier ou en réalité il existe des musées, des bibliothèques ou des centres culturels, ceux-ci ne sont pas trop intéressants pour les jeunes, a-t-on pu constater. Leur contenu n'est pas adapté à leurs besoins. Les jeunes sentent le besoin d'être impliqués, de participer, de devenir co-créateurs de ces espaces et de leurs produits culturels. Enfin, le fait d'avoir eu davantage de jeunes filles à remplir ces formulaires peut indiquer un intérêt accru de leur part pour la consommation culturelle et pour la problématique féministe. »
Sans doute, la consommation culturelle des jeunes est étroitement liée à l'infrastructure culturelle et à son offre, plus précisément à la diversité ou à la précarité de celle-ci.Carmen Voinea explique :
« Premièrement, nous avons constaté que les activités culturelles les plus répandues étaient solitaires ou domestiques. Puis, il paraît que les activités culturelles qui leur sont offertes dans les espaces publics ne sont pas très diversifiées, ni adaptées à leurs goûts. De même, même s'ils sont très nombreux à estimer qu'il est intéressant d'aller au cinéma, 45 % des jeunes ont affirmé ne pas avoir vu un seul film au cinéma cette dernière année. Plus encore, 48 % d'entre eux ont dit avoir dû se déplacer dans une autre ville pour trouver un cinéma. »
Cette triste réalité vient met en avant le désir des jeunes d'avoir un ciné dans leur ville d'origine. L'enquête a donc constaté que, dans leur mental collectif, les anciennes salles de cinéma restent un repère même pour les jeunes qui n'y sont jamais entrés. Enfin, il faut dire que cette enquête nous donne aussi une bonne nouvelle. Carmen Voinea :
« Les bibliothèques, telles qu'elles sont présentes dans les cartes mentales réalisées par les jeunes, ont été une surprise. Dans plusieurs villes, les bibliothèques ont mis à la disposition des jeunes non seulement un espace pour la lecture ou pour emprunter des livres, mais aussi un espace où les jeunes ont pu mettre à profit leurs propres idées, telles un club de culture sud-coréenne ou des soirées karaoké. A Călărași, par exemple, une jeune fille affirmait que la bibliothèque était son endroit préféré de la ville. A Slatina aussi. C'est là qu'elles ont trouvé un espace pour se développer et devenir des créateurs de culture. D'ailleurs, les espaces publics sont les endroits les plus fréquentés par les jeunes. 70 % des endroits où ils se rendent pour la culture sont publics. Par contre, lorsqu'il est question de thématiques féministes, ils optent plutôt pour des espaces privés ou informels. Cela témoigne du fait, que même si l'infrastructure publique reste la plus fréquentée par les jeunes, ils n'y trouvent toujours pas suffisamment d'ouverture pour se pencher sur des sujets liés au féminisme ».
Autant de conclusions de l'étude « La consommation culturelle dans les rangs des jeunes de petites et moyennes villes ». S'y ajoute la recommandation faite aux autorités de ressusciter les activités culturelles des espaces publics, de les rendre plus inclusives car la demande en est certainement là. (trad. Valentina Beleavski)
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